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22 avril 2006

Maroc: Le terroir en quête de politique adaptée, harmonieuse et intégrée

titre10Le Maroc s’est engagé dans de multiples accords d’association ou de libre-échange au sein desquels le volet agricole n’est pas des moindres.          

Ajouter à cela l’Union Européenne qui développe sa politique agricole commune et les USA et l’Australie qui continuent de subventionner à outrance leurs agricultures, cette nouvelle donne agricole pèse nécessairement de tout son poids sur les défis que doivent relever les autorités de tutelle ayant la charge de développer et/ou élaborer toute politique agricole ou de développement du monde rural.

De nos jours, relever ce genre de défis consiste à faire preuve de beaucoup d’imagination et d’anticipation, surtout des tendances lourdes qui façonnent déjà aujourd’hui et qui auront à façonner davantage demain.

Dans un contexte de mondialisation dans lequel aujourd’hui c’est déjà demain, raisonner en termes d’avantages comparatifs ne suffit plus.

Et les avantages absolus n’existent que chez ceux qui ressemblent à la Grande-Bretagne de l’époque. Des « insulaires » qui, tout en prônant les vertus du libre-échange, s’offraient les débouchés à coups de canons.

Aujourd’hui, la situation n’est guère meilleure que celle d’autrefois, et à cela s’ajoute toutes sortes de barrières tarifaires, non tarifaires, sanitaires, phytosanitaires et autres. Comme qui dirait vivement la libre circulation des capitaux, moins vivement celle des biens et marchandises et nullement celle des individus.

Ceci pour dire qu’outre cette quête de tendances lourdes, la réussite de toute dynamique d’anticipation est, pour une grande part, conditionnée par sa parfaite assimilation-absorption, à temps, par ceux pour lesquels elle a été destinée.

L’agriculture marocaine étant ce qu’elle est, compter sur le seul libre jeu du marché pour favoriser cet acte d’anticiper serait prendre un risque non calculé.

L’agriculture marocaine a encore besoin d’une bonne dose d’intervention de l’Etat en matière d’orientation, restructuration, régulation...

C’est encore aux pouvoirs publics qu’incombent la responsabilité de trouver les synergies nécessaires ou l’alchimie adéquate entre la réhabilitation de la dimension temporelle et territoriale, la mise à niveau de l’élément humain, et la création de la richesse par l’homme et pour l’homme.

En somme, repenser et gérer autrement le développement d’autant plus que sur l’ensemble des terres agricoles utiles, l’agriculture qualifiée de moderne n’occupe que 10% du sol.

Les aléas climatiques, le morcellement des parcelles, le sous-financement, le faible encadrement des organisations et associations professionnelles... la marginalisation-enclavement, le peu d’infrastructures... sont autant de blocages inhérents au développement du monde rural de manière générale.

Et pourtant, ce ne sont pas à ce niveau les stratégies qui manquent.

A titre d’exemple, « la stratégie 2020 de développement » traduit un « nouvel engagement de l’Etat dans le développement agricole », une « responsabilisation et une meilleure organisation des producteurs et opérateurs du secteur agricole »...

Noir sur blanc, les auteurs de cette stratégie soutiennent qu’en matière de développement rural, il incombe à l’Etat de : 

-  créer les conditions d’un environnement institutionnel et économique favorable au développement ;
-  être le garant de l’équité sociale ;
-  assurer les fonctions de régulation et d’arbitrage ;
-  faciliter la décentralisation ;
-  garantir la durabilité et la protection du patrimoine collectif.

Bien plus, ces mêmes auteurs ajoutent que « compte tenu des retards considérables de la plus grande partie du secteur agricole (...) l’engagement de l’Etat est un effet indispensable pour l’aménagement de l’espace agricole (irrigation, aménagement des zones bour et des parcours) pour le développement des filières agricoles et de la qualité, pour le renforcement de la filière technologique agricole (formation, recherche et appropriation des technologies) et pour le développement des ressources humaines, la promotion des organisations professionnelles et l’amélioration de l’environnement économique, juridique et institutionnel ».

Qui dit mieux ? Plus loin, ces mêmes auteurs tiennent à préciser que « surtout lorsqu’on met en avant les idées de « désengagement de l’Etat ». On doit être sur ce sujet tout à fait clair. Un désengagement de l’Etat ne signifie pas un retrait de l’Etat mais « mieux d’Etat ».

Ce que ces mêmes auteurs ignorent ou font semblant d’ignorer c’est que ces « belles paroles » sont tellement générales qu’elles peuvent s’appliquer à tout autre monde rural, pas seulement le nôtre. Aucune spécificité ou particularité des problèmes que vit notre monde rural n’y figure.

Par ailleurs, ce que ces mêmes auteurs doivent savoir c’est que, depuis le temps, quelques années déjà, qu’ils essayent de « vendre » cette stratégie la triste réalité du monde rural n’a pas tellement changé. Le programme de lutte contre les effets de la sécheresse, dans sa seconde phase, surtout, a été par excellence un véritable test pour juger de la pertinence et de la « viabilité » de tels propos.

La réalité du monde rurale est amère et frustrante. Et ce serait un leurre de continuer de croire que du fait que l’agriculture marocaine est exonérée d’impôt, tout va pour le mieux. Et comme l’a si bien exprimé un confrère lors d’un bref bavardage dans les couloirs de « L’Opinion » : Si le simple petit agriculteur avait à déclarer ses revenus, c’est sûr qu’il serait, de par les dispositions du fisc, exonéré d’impôt. Et si les exportateurs sont amenés à payer au prix réel la quantité d’eau qu’ils consommaient pour exporter la tomate, ils se rendraient vite compte que quelque part le Maroc « subventionne » l’Europe ».

Ceci pour redire une fois de plus qu’aux grands maux, de grands remèdes. Il ne suffit plus de peaufiner une bonne stratégie. Aussi faut-il se donner les moyens de la décliner sur le terrain.

Quelques données spécifiques

Au Maroc, la Superficie Agricole Utile (SAU) est de 8,7 millions d’hectares ! De par sa diversité écologique, le Maroc présente un potentiel relativement énorme en matière de productions végétales et animales. De ce fait, le secteur agricole, dont la contribution à la formation du PIB se situe en moyenne entre 12% et 24%, revêt une extrême importance. Comme en témoignent également par ailleurs sa contribution à la création de richesses, la satisfaction des besoins, l’emploi et les échanges extérieurs. Au total, on y compte près de 1,5 million d’exploitations qui, faute d’autres activités non agricoles, procurent 80 % de l’emploi rural et l’équivalent de la moitié des opportunités d’emploi procuré au niveau national.

Le monde rural compte comme effectif près de 47 % de la population marocaine et l’agriculture est l’un des moteurs de la croissance économique. Les retombées des années 1995 et 1996 sont encore fraîches dans les mémoires :

En 1995, la chute de 45 % du PIB agricole a automatiquement engendré une baisse de 12,4 % du total du PIB, et à l’opposé, la hausse de 58 % de 1996 a eu pour effet immédiat de porter le PIB total à 14 %.

Pour ceux qui en doutent encore, la corrélation entre les performances du secteur et la croissance du PIB non agricole est bel et bien là. Laquelle corrélation a été une fois de plus démontrée par un récent travail de modélisation relaté dans « Les Cahiers du Plan » et qui, entre autres, soutient que « les fluctuations qui caractérisent la production agricole, dont notamment les céréales, rendent de plus en plus difficile la gestion de l’approvisionnement en céréales et aliments de bétails et perturbent les actions de développement engagées à cause des modificatifs de programmes qu’il faut introduire au cours de l’année pour faire face à d’éventuelles sécheresses. Et qu’un « suivi régulier et systématique de la campagne agricole pourrait renseigner sur les résultats probables et celle-ci et par conséquent aider à mieux programmer, dans des délais raisonnables, les actions à entreprendre pour mieux gérer les récoltes ». D’autant plus que la pluviométrie demeure encore le principal élément qui conditionne les résultats de la campagne agricole.

Quelques contraintes

En dépit des efforts consentis, les enveloppes budgétaires allouées au développement du monde rural, le secteur agricole souffre encore d’un flagrant déficit de financement. Les besoins de financement ne sont souvent qu’à hauteur de 20 % par la CNCA et la contribution des autres banques commerciales au financement du secteur ne dépasse guère 3 %.

Ce sous-financement s’explique aussi par une sorte de mauvaise intégration des produits du terroir à leur environnement économique. Ce qui empêche les agriculteurs d’écouler facilement leurs produits et en tirer directement les bénéfices qui en découlent. Conséquence immédiate : absence de gain de productivité et impossibilité de réinjecter de l’investissement. Pour les agriculteurs, il va sans dire que la solution consisterait en un désenclavement et une meilleure accessibilité aux marchés moyennant de bons circuits de distribution et de commercialisation. Parallèlement, la problématique du foncier agricole constitue aussi un sérieux handicap du monde rural.

Généralement, les structures foncières souffrent d’une exiguïté-éparpillement des exploitations et d’une précarité des statuts et des formes juridiques d’exploitation.

Résultat d’une pression démographique accentuée, d’un marché foncier presque gelé et des activités non agricoles peu diversifiées, cette situation est peu favorable à l’intensification de la production ou à la mise en valeur de la terre.

Globalement, les six statuts fonciers qui régissent l’espace agricole (le melk, collectif, Guich, Habous, domanial et réforme agraire) se prêtent difficilement à toute opération de remembrement, de constitution d’exploitations viables, d’utilisation du sol en fonction de sa vocation ou de financement approprié.

Pour une politique de développement intégré du monde rural

L’intégration de l’agriculture à son environnement économique devient de plus en plus un préalable au développement rural. De l’avis de beaucoup de spécialistes, dont ceux du Département de l’Agriculture, cette intégration passe par une refonte de l’intervention des pouvoirs publics et la mise en place d’une politique volontariste procédant d’une démarche participative et basée essentiellement sur des rapports contractuels décentralisés et déconcentrés, et ce, dans la perspective d’une quête de résultats et de performances. Inscrire ce genre de rapport dans la durée consiste, entre autres, à se procurer et mieux défendre les dotations budgétaires tant nécessaires à la modernisation de l’agriculture et à l’aménagement de l’espace rural. Et l’idéal serait que les pouvoirs publics consentent un petit effort en matière de crédits spécifiques à taux bonifiés et assortis de procédures souples et moins contraignantes.

         

L'Opinion - N. BATIJE

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