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Maghreb Actualité
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23 avril 2006

Liberté de la presse au Maghreb

Quel bilan faites-vous de votre mission au Maroc ?

Un bilan en demi-teinte. C’est très bien d’avoir rencontré le ministre de la Communication, les représentants du syndicat des journalistes, les responsables des éditeurs de journaux, les patrons de presse. C’est aussi très bien qu’autant de personnes aient assisté à notre conférence de presse. J’ai pu m’expliquer sur un certain nombre de points et tordre le cou aux affirmations que l’on m’a prêtées. On a par exemple, dans le passé, dit que j’avais appelé à boycotter le Maroc comme destination touristique. C’est faux et en plus j’yviens en vacances !

Qu’est-ce qui justifie le "en demi-teinte" ?
La couverture de notre visite par une partie de la presse marocaine. Certains journaux n’ont retenu que les messages qui les intéressaient, les messages positifs... Ce n’est pas exactement ça le journalisme. Nous aurions aussi aimé rencontrer les responsables d’« Aujourd’hui le Maroc » mais ils ont refusé et écrit des choses stupides sur moi. Plutôt que d’écrire qu’ils n’étaient pas d’accord avec RSF -ce que j’aurais très bien compris- ils se sont livrés à des attaques minables. Comment peut-on être journaliste et refuser d’avoir des interlocuteurs ? ça veut dire qu’on n’est pas journaliste mais militant d’une cause. Ce journal n’est pas un journal mais un organe de propagande au service de je ne sais qui. Et ils desservent y compris les gens qu’ils pensent servir. Mais le pouvoir marocain est plus intelligent qu’eux. Eux, ce sont les "archaïques" au sein duMaroc.

Quel est votre diagnostic sur la liberté de la presse au Maroc ?

Le fait que les autorités reçoivent RSF pour la première fois témoigne d’une volonté de dialogue qui n’existait pas avant. Les lignes rouges ont reculé. On peut aborder des sujets comme le roi, le Sahara occidental et l’islam mais avec des précautions et en risquant de se faire taper sur les doigts. Des chantiers positifs sont en cours comme l’ouverture de l’audiovisuel à des acteurs privés ou la modification de la loi sur la presse. Je crois qu’une partie du pouvoir, la plus progressiste, réalise le tort considérable que font à l’image du Maroc des affaires comme les procès à répétition de ces derniers mois. Tout cela est fragile mais RSF tenait à venir au Maroc pour souligner ces avancées. Mais il y a une longue liste de choses qui ne vont pas.À commencer par... .... la loi sur la presse. Une vingtaine d’articles prévoient des peines de prison pour des délits de presse. Mesinterlocuteurs marocains pensent qu’après la modification de la loi, il en restera moins de cinq et qu’on ne met déjà plus les journalistes en prison. Autant supprimer ces peines : on peut punir les journaux qui mettent en cause l’honneur, la probité des gens par des amendes proportionnelles au délit. Ensuite la loi doit être plus précise. Quand on connaît le peu de professionnalisme d’une partie des magistrats marocains, il ne faut pas laisser de marges d’interprétation aussi larges. Si on est pour la libéralisation de l’économie, les articles limitant les aides ou les capitaux étrangers dans les médias doivent évoluer. Enfin, avec la loi en l’état, les imprimeurs sont tentés de s’autocensurer. Or, jusqu’à preuve du contraire, le rôle d’un imprimeur est d’imprimer. En matière de justice, RSF préconise la création d’une Chambre spécialisée pour la presse.

C’est-à-dire ?

En tant que porte-parole du gouvernement, le ministre Benabdellah m’adéclaré que ses propos engageaient l’ensemble du gouvernement. Il s’est montré dubitatif sur la crédibilité de la justice mais m’a dit qu’il n’était pas derrière les juges. Je pense qu’il n’approuvait pas les amendes et les dommages et intérêts invraisemblables imposés à certains journaux. Ils le sont d’autant plus que la règle de droit voulant que la sanction soit proportionnelle au délit n’est pas respectée. On le voit, ce sera difficile de former tous les magistrats aux problématiques de la presse... Par contre, on peut créer une Chambre spécialisée, comme il en existe dans de nombreux pays. Il suffit alors de former peu de magistrats maîtrisant bien les enjeux de ce type d’affaires.

Qu’est-ce qui ne va pas d’autre ?

Il y a un rapport anormal entre le tirage des journaux et la présence de publicité. Autrement dit, les plus gros tirages ne sont pas ceux qui ont le plus de publicité. Tout le monde sait que la presse vit de ses lecteurs et de la publicité.Peser sur elle est une censure déguisée et il faut rompre avec cette mauvaise habitude. Les entreprises publiques devraient donner l’exemple.Il y a aussi l’affaire Ali Lmrabet... Il faut supprimer son interdiction d’exercer sa profession. Si on n’est pas d’accord avec ce qu’écrit Ali Lmrabet, on peut l’attaquer en diffamation mais l’interdit professionnel est d’un archaïsme inouï !

Quel regard portez-vous sur la HACA, la Haute autorité de la communication et de l’audiovisuel ?

Si la HACA veut se donner une vraie crédibilité et montrer qu’elle joue son rôle d’instance de régulation, elle doit s’auto-saisir quand elle est troublée par une affaire. Elle doit le faire au sujet des manifestations qui ont été organisées en février devant « Le Journal Hebdomadaire » et sur la manière dont une partie de l’audiovisuel en a rendu compte. Concernant ces manifestations inacceptables, la justice doit aussi faire la lumière sur ce qui s’est passé etsanctionner les responsables.

Pour RSF, quelles sont les dernières lignes rouges du Maroc ?

Le roi. Je pense que Mohammed VI devrait rompre avec cette mauvaise habitude de ne pas recevoir la presse marocaine. Son père n’a jamais accordé d’interview à un média marocain alors qu’il l’a fait pour la presse étrangère. J’espère que ce n’est pas un signe de mépris de montrer qu’on ne donne pas d’interview à des sujets... J’ai proposé que Mohammed VI organise une conférence de presse. Ce geste montrerait le signal du respect donné à la presse marocaine. Il marquerait aussi une vraie rupture. La politique est souvent une affaire de symboles et là, Ça serait un symbole fort de vraie modernité.

Il paraît que RSF veut ouvrir un bureau de représentation au Maroc ?

Le Maroc est le seul pays du Maghreb où c’est possible. En Algérie, les autorités ne nous le permettraient pas. Ça fait des années qu’on n’a pas de visas pour y aller et dire que c’est unpouvoir autoritaire est un euphémisme. Quant à la Tunisie, c’est "Ceausescu-sur-Méditerranée". La dernière fois que je m’y suis rendu, ils m’ont mis dehors. Je n’ai pas demandé au ministre Benabdellah d’ouvrir un bureau au Maroc car je ne voulais pas lui faire une demande la première fois que je le rencontrais. J’espère qu’en lisant ces lignes il me dira que nous sommes les bienvenus. En tout cas, dès qu’on aura l’autorisation, RSF ouvrira un bureau au Maroc.

Le Journal Hebdo

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Commentaires
B
Est-ce de la "diffamation" de declarer à un hebdomadaire marocain que les sahraouis de Tindouf sont des "refugiés" et non des sequestrés comme le dit la propagande officielle marocaine?
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