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20 juin 2006

Libéralisation des prix au Maroc : le gouvernement dans l’impasse

Le temps presse. Nous sommes à J-20 du 6 juillet 2006. Ce jour devrait constituer une échéance importante pour l’économie du Maroc. En effet, c’est à partir du jour suivant (7 juillet) qu’il ne devrait plus y avoir de prix réglementés par l’administration, et ce pour tous les produits. C’est la loi 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence qui le stipule. Entrée en vigueur le 6 juillet 2001, cette loi avait laissé une période transitoire de cinq années à l’issue de laquelle 32 produits dont le prix était réglementé devaient être progressivement libéralisé. Or aujourd’hui, et à 20 jours seulement de la date fatidique, les problèmes s’amoncellent : non seulement il y a encore 24 produits à libéraliser alors que l’on devait être en fin de processus, mais, de plus, les administrations concernées - harcelées par les professionnels des différents secteurs - demandent le report de la libéralisation. Pour couronner le tout, la procédure prévue dans ce cas se heurte à une contrainte majeure : l’impossibilité de réunir le Conseil de la concurrence.

Il est vrai que dans la perspective du 6 juillet 2006, le dossier de ces produits a été ouvert il y a un an. A la mi-mai 2006, la Commission des prix et de la concurrence (ministère des Affaires économiques et générales -MAEG), a entamé une série de réunions marathon pour examiner ces produits un à un et statuer sur le sort à leur réserver. En un mot, il s’agissait de savoir pour chacun de ces produits s’il fallait libéraliser le prix ou, au contraire, proroger sa réglementation comme le permet la loi.

Mais au terme d’un mois de discussions pas toujours faciles, on en est toujours à la case départ. En effet, on explique au MAEG que «tous les départements consultés selon la nature du produit, ont demandé la prorogation de l’ancien système». En d’autres termes, c’est niet à la libéralisation des prix pour les 24 produits.

Joint au téléphone, le ministre des Affaires économiques et générales, Rachid Talbi Alami, qui préside la Commission des prix et de la concurrence en sa qualité de représentant du premier ministre, a avoué être surpris du résultat de ces négociations avec les secteurs et départements concernés. Il avoue ne pas comprendre pourquoi, pour certains produits, l’on est obligé de garder des prix réglementés. En effet, dans la liste des 24 produits ou services, on retrouve, par exemple, les actes des huissiers de justice, les actes hébraïques, les prix des annonces légales, judiciaires ou administratives. En quoi la libéralisation des prix de ces prestations aurait-elle des conséquences importantes? Pourtant, le ministère de la Justice tient à maintenir leurs prix réglementés. Le ministère de l’Education nationale, de son côté, a défendu bec et ongles le maintien de la réglementation des prix du livre scolaire par peur de les voir flamber suite à une libéralisation.

Conseil de la concurrence : un avis consultatif mais obligatoire
Certes, pour certains autres produits ou services, le rejet de la libéralisation était prévisible. C’est le cas de l’électricité, de l’eau potable, de l’assainissement, du transport urbain (taxis et bus) ou encore du sucre, des produits pétroliers, de la farine nationale de blé tendre.

Solution ? Selon la loi, il revient à la Commission des prix et de la concurrence d’accepter ou de refuser la libéralisation desdits prix, et c’est en toute logique à Driss Jettou, président de la commission en question, que revient une telle décision. Simple procédure ? Par aussi facile qu’on le croit. Quand bien même la Commission des prix statuerait sur les 24 produits de la liste un à un, il faudrait que des arrêtés et des décrets soient prêts et approuvés avant le 6 juillet. Et c’est là que réside l’autre complication. Car, comme le stipulent les textes, la décision de la Commission des prix et de la concurrence ne peut être juridiquement valable que si elle fait appel à l’avis du Conseil de la concurrence. Un avis, certes, consultatif, mais obligatoire. Or, il se trouve aujourd’hui que ledit conseil n’est pas opérationnel depuis belle lurette. En effet, certains membres du conseil, que nous avons pu joindre, confirment que l’instance ne s’est réunie en tout et pour tout qu’à deux reprises, la dernière réunion remontant à près de trois ans, quand les membres devaient approuver le règlement intérieur.

Autant dire que le Conseil de la concurrence n’a jamais fonctionné. Certains membres révèlent même que son président, Amine Demnati, aurait émis le souhait d’être déchargé de cette fonction. Au ministère des Affaires économiques et générales, les responsables de la Commission des prix avouent avoir tenté à plusieurs reprises de joindre M. Demnati dans la perspective d’une réactivation du conseil. Mais sans résultat. La situation est d’autant plus floue que, selon des sources au ministère, le président du conseil n’a, à ce jour, jamais demandé officiellement à être déchargé.

En résumé donc, la Commission des prix devra, en l’espace de 20 jours seulement, statuer sur les 24 produits et, surtout, avoir l’avis consultatif d’un Conseil de la concurrence qui n’existe que sur le papier. La situation est grave : si d’ici le 6 juillet 2006 aucune décision explicite n’est prise pour ces 24 produits et services, leurs prix seront de facto libérés le 7 juillet. En d’autres termes, les chauffeurs de taxis pourront, si rien n’est décidé, pratiquer les tarifs qu’ils veulent et en toute légalité puisqu’ils ne feront que se conformer à la loi. Bien entendu, et comme l’explique M. Rachid Talbi Alami, il n’est pas question de prendre un tel risque. Raison pour laquelle il a saisi par écrit le premier ministre.

Que faire aujourd’hui ? A la Commission des prix, on avoue ne pas vraiment savoir. Mais ses membres espèrent pouvoir débloquer la situation au cours des 20 jours restants. Premier problème, si d’ici-là la commission n’arrive pas à liquider tous les dossiers, il faudra trouver une issue juridique. Elle existe certes mais reste temporaire et peut-être inapplicable. En effet, la loi 06-99 prévoit dans son article 4 la possibilité pour l’administration de prendre des mesures temporaires en vue de parer à une baisse ou une hausse excessive des prix pour un produit ou un service donné. Mais, pour cela, il y a des conditions comme, par exemple, la nécessité d’avoir encore une fois l’avis du Conseil de la concurrence. La décision doit également être justifiée par des circonstances spéciales comme «une situation manifestement anormale du marché dans un secteur donné».

Toujours est-il que même si aucune décision n’est prise, que ce soit de libéralisation ou de maintien des prix réglementés, et qu’un produit se retrouve ainsi libéralisé de facto, l’administration pourra revenir par la suite pour réimposer la réglementation. Mais elle ne pourra pas le faire indéfiniment puisque les dispositions restrictives ne peuvent être d’une durée supérieure à six mois renouvelables une seule fois. Encore faut-il que le Conseil de la concurrence ait été réactivé d’ici-là.

zoom : Les produits et services concernés par la libéralisation des prix au Maroc

Farine nationale de blé tendre
Sucre
Tabac brut
Tabac manufacturé
Electricité
Eau potable
Assainissement liquide
Combustibles liquides (produits pétroliers)
Combustibles gazeux (GPL)
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